

Une légende vraie de vraie
Dans l’étable, tout était calme et
chaleureux.
C’était la fin du tantôt et on ne voyait pas
encore l’étoile-guide.
Pour l’instant, la joie sereine d’une naissance – qui renouvelle toujours le monde et le fait commencer pour la première fois-,
pour l’instant la joie sereine n’appartenait qu’à une petite famille humble.
Certains autres sentaient qu’il se passait quelque chose sur la Terre,
mais voir,
personne ne voyait ni ne savait quoi au juste.
Dans la pénombre dans la paille dorée,
tendre
comme un agneau, resplendissait l’enfant,
tendre
comme notre fils. A ses côtés, un bœuf et un
âne, tout yeux, réchauffaient l’air avec
l’haleine de leur corps. L’enfant venait
de naître et tout humide encore reposait, tout
humide et tiède respirait.
Marie détendait son corps fatigué – sa tâche dans
le monde et à la face des peuples et de Dieu consisterait à
accomplir son destin, et maintenant elle se reposait et
regardait l’enfant si doux. Joseph, à la
longue barbe, assis à côté d’elle, méditait, appuyé sur
son bourdon, son destin, c’est-à-dire comprendre, s’était
réalisé.
Le destin de l’enfant, c’était de naître.
On entendait, comme
venue du cœur de la nuit silencieuse, cette
musique aérienne que chacun de nous a déjà entendue et
dont est fait le silence : extrêmement douce et sans mélodie, mais
composée de sons qui pouvaient devenir mélodieux. Flottante, in-
interrompue. Les sons comme quinze mille
étoiles. La
petite famille captait la plus élémentaire vibration de l’air – comme
si le silence parlait.
Le silence du Dieu infini parlait. Aigu mais
suave, constants, sans aspérités, entièrement traversé par
des sons horizontaux et obliques. Des milliers de résonances avaient la
même hauteur et la même intensité, la même absence de hâte, douce
nuit, sainte nuit.
Et là le destin des animaux se faisait et
se refaisait :
celui d’aimer sans savoir qu’ils aimaient. La douceur des
brutes comprenait l’innocence des enfants. Et,
avant les Rois, ils offraient au nouveau-né ce qu’ils possédaient : le
grand regard qu’ils ont et la tiédeur du ventre qu’ils
sont.
Cet enfant, qui renaît en chaque nouveau-né, allait exiger que
nous soyons fraternels face à
notre condition et aux yeux de Dieu. L’enfant allait devenir un
homme et parlerait.
Aujourd’hui dans d’innombrables maisons du
monde naît un
Enfant.
Et comme si cela ne suffisait pas, fuse dans
l’air comme
du champagne le pétillant Nouvel An.